Dans les coulisses du pouvoir, une Newlangue s’est tissée, redéfinissant les contours de notre réalité sociale. De la « start-up nation » aux « premiers de cordée », le macronisme a déployé un arsenal linguistique censé incarner modernité et progrès. Mais derrière ces formules séduisantes se cachent des échecs et des mensonges qui ont profondément marqué le tissu social français. Plongeons dans les méandres de cette rhétorique politique et découvrons comment les mots du pouvoir ont façonné, pour le meilleur et pour le pire, notre perception du monde.

Introduction

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, un nouveau lexique politique s’est imposé dans le paysage médiatique et institutionnel français. Cette « Newlangue », terme emprunté à George Orwell, se caractérise par l’utilisation de formules et de concepts visant à redéfinir la réalité sociale et politique. Ce langage, souvent qualifié de technocratique et managérial, a été l’objet de nombreuses critiques, l’accusant de masquer des réalités sociales difficiles et de déformer le débat démocratique.

Dans cet article, nous allons analyser sept aspects majeurs de cette Newlangue macronienne, en examinant comment ils ont échoué à transformer la réalité qu’ils prétendaient décrire ou améliorer, et en quoi ils peuvent être considérés comme des formes de manipulation du discours public.

« La start-up nation » : l’illusion de la modernité entrepreneuriale

    Le concept de « start-up nation » a été l’un des piliers de la rhétorique macronienne dès la campagne présidentielle de 2017. Cette expression visait à promouvoir l’image d’une France dynamique, innovante et ouverte aux nouvelles technologies. Cependant, cette vision a rapidement montré ses limites.

    Échec : Malgré les efforts pour stimuler l’entrepreneuriat, la France n’a pas connu de boom significatif dans la création d’entreprises innovantes à forte croissance. Les obstacles bureaucratiques et le manque de financement restent des freins importants.

    Mensonge par omission : Cette rhétorique ignore largement les réalités du tissu économique français, composé majoritairement de PME et d’entreprises traditionnelles. Elle crée une dichotomie artificielle entre une économie « moderne » valorisée et des secteurs plus traditionnels considérés comme obsolètes.

    Conséquences sociologiques : Cette focalisation sur les start-ups a contribué à creuser un fossé entre les élites urbaines, perçues comme les bénéficiaires de cette nouvelle économie, et une grande partie de la population qui ne s’y reconnaît pas. Cela a alimenté un sentiment de déclassement et d’incompréhension mutuelle au sein de la société française.

    « Les premiers de cordée » : la justification des inégalités

      L’expression « premiers de cordée » a été utilisée par Emmanuel Macron pour justifier une politique favorable aux plus aisés, arguant que leur réussite bénéficierait à l’ensemble de la société.

      Échec : Les politiques mises en place, comme la suppression de l’ISF, n’ont pas produit les effets de ruissellement économique escomptés. Les inégalités ont continué de se creuser.

      Mensonge idéologique : Cette métaphore masque la réalité des mécanismes de reproduction sociale et économique. Elle présente comme naturelle et bénéfique une hiérarchie sociale qui est en fait le résultat de structures sociales inégalitaires.

      Conséquences sociologiques : Cette rhétorique a renforcé le sentiment d’injustice sociale et a contribué à la polarisation de la société française. Elle a alimenté les mouvements de contestation sociale, comme celui des Gilets Jaunes, en cristallisant le ressentiment contre les élites perçues comme déconnectées.

      « La pédagogie des réformes » : la négation du conflit démocratique

        Le gouvernement Macron a fréquemment utilisé l’expression « pédagogie des réformes » pour justifier ses politiques, suggérant que l’opposition à celles-ci était due à un manque de compréhension plutôt qu’à un désaccord légitime.

        Échec : Cette approche n’a pas réussi à convaincre une large partie de la population de la pertinence des réformes, comme en témoignent les nombreux mouvements sociaux (réforme des retraites, loi travail, etc.).

        Mensonge démocratique : Cette rhétorique nie la légitimité du débat démocratique et des désaccords politiques. Elle présuppose que les politiques gouvernementales sont intrinsèquement correctes et que toute opposition relève de l’ignorance.

        Conséquences sociologiques : Cette attitude a renforcé le sentiment de mépris ressenti par une partie de la population envers les élites politiques. Elle a contribué à une crise de confiance envers les institutions démocratiques et à une radicalisation des positions politiques.

        « La société de la vigilance » : la sécurité comme paradigme social

          En réponse aux menaces terroristes et aux enjeux sécuritaires, le concept de « société de la vigilance » a été promu, appelant les citoyens à une forme de surveillance mutuelle.

          Échec : Cette approche n’a pas significativement amélioré la sécurité publique, tout en créant un climat de méfiance généralisée.

          Mensonge sécuritaire : Cette rhétorique masque les causes profondes de l’insécurité (inégalités sociales, manque de moyens dans les services publics) en déplaçant la responsabilité sur les citoyens.

          Conséquences sociologiques : Cette politique a contribué à une fragmentation du tissu social, alimentant la méfiance entre les communautés et renforçant les stéréotypes. Elle a également normalisé une forme de surveillance généralisée, posant des questions éthiques sur la liberté individuelle et la vie privée.

          « Le en même temps » : la négation des contradictions politiques

            La formule « en même temps » est devenue emblématique du macronisme, censée transcender les clivages traditionnels gauche-droite et proposer une politique du consensus.

            Échec : Cette approche n’a pas réussi à créer un consensus politique durable. Au contraire, elle a souvent été perçue comme une forme d’opportunisme politique.

            Mensonge idéologique : Cette rhétorique masque la réalité des conflits d’intérêts et des contradictions inhérentes à toute société. Elle présente comme possible une synthèse qui, dans les faits, favorise souvent une orientation politique spécifique (libérale-conservatrice).

            Conséquences sociologiques : Le « en même temps » a contribué à brouiller les repères politiques traditionnels, rendant plus difficile pour les citoyens de se positionner dans le débat public. Cela a alimenté une forme de désengagement politique et de cynisme envers le système représentatif.

            « La souveraineté européenne » : l’ambiguïté du projet européen

              L’expression « souveraineté européenne » a été utilisée pour promouvoir une vision d’une Europe plus intégrée et autonome sur la scène internationale.

              Échec : Ce concept n’a pas réussi à convaincre une large partie de la population européenne, comme en témoignent la montée des euroscepticismes et les difficultés à mettre en place des politiques communes fortes.

              Mensonge conceptuel : Cette formule est intrinsèquement contradictoire, la souveraineté étant traditionnellement associée à l’État-nation. Elle masque les tensions réelles entre les intérêts nationaux et le projet européen.

              Conséquences sociologiques : Cette rhétorique a alimenté les divisions au sein de la société française et européenne sur la question de l’intégration européenne. Elle a renforcé le sentiment d’une perte de contrôle démocratique au profit d’institutions perçues comme lointaines et technocratiques.

              « Le progressisme contre les populismes » : la redéfinition du clivage politique

                Le macronisme s’est présenté comme une force « progressiste » opposée aux « populismes » de gauche et de droite, redéfinissant ainsi le clivage politique traditionnel.

                Échec : Cette dichotomie n’a pas réussi à s’imposer durablement dans le paysage politique. Les clivages traditionnels (gauche-droite, social-libéral) restent pertinents pour une grande partie de l’électorat.

                Mensonge politique : Cette rhétorique simplifie à l’extrême la complexité du paysage politique. Elle stigmatise toute opposition comme « populiste », niant la légitimité de critiques fondées sur des analyses différentes de la réalité sociale.

                Conséquences sociologiques : Cette approche a contribué à une polarisation accrue du débat public, renforçant les antagonismes entre les partisans du macronisme et ses opposants. Elle a également alimenté une forme de dépolitisation, en présentant les choix politiques comme des évidences techniques plutôt que comme des arbitrages entre différentes visions de la société.

                La Newlangue macronienne : Un écho troublant à l’univers orwellien

                Dans son chef-d’œuvre dystopique « 1984 », George Orwell imaginait un monde où le langage, soigneusement contrôlé et épuré par le pouvoir, devenait un outil de domination. La Newlangue, création linguistique du Parti, visait à restreindre la pensée en éliminant les nuances et en simplifiant à l’extrême les concepts. De façon troublante, la rhétorique politique de l’ère Macron semble parfois faire écho à cette vision orwellienne.

                Tout comme la Newlangue de « 1984 » cherchait à rendre impossible l’expression d’idées subversives, le discours macronien tend à redéfinir les termes du débat politique. Des expressions comme « start-up nation » ou « premiers de cordée » ne sont pas de simples slogans, mais des tentatives de recadrer notre compréhension de la société et de l’économie. En présentant une vision technocratique et managériale comme la seule voie possible, cette rhétorique cherche à neutraliser les alternatives politiques.

                Le « en même temps » macronien rappelle étrangement la « double-pensée » orwellienne, où des idées contradictoires coexistent sans friction apparente. Cette approche, censée transcender les clivages, finit par brouiller les repères politiques traditionnels, rendant plus difficile pour les citoyens de se positionner clairement.

                La « pédagogie des réformes », quant à elle, n’est pas sans rappeler le « doubleplusbien » de « 1984 ». Elle suggère que toute opposition aux politiques gouvernementales relève de l’incompréhension plutôt que d’un désaccord légitime, niant ainsi la possibilité même d’un débat démocratique authentique.

                Bien que nous soyons loin de la dystopie totalitaire d’Orwell, ces parallèles soulignent l’importance de rester vigilants face aux manipulations du langage politique. Car comme le rappelle « 1984 », contrôler le langage, c’est aussi contrôler la pensée.

                Conclusion

                L’analyse de ces sept aspects de la Newlangue macronienne révèle un échec global à transformer la réalité sociale et politique française de la manière annoncée. Plus qu’une simple question de communication politique, cette Newlangue reflète une vision du monde et de la société qui s’est heurtée aux réalités sociales, économiques et politiques de la France contemporaine.

                Les conséquences sociologiques de cette approche sont multiples et profondes :

                1. Creusement des inégalités : En masquant les réalités socio-économiques derrière un discours technocratique, cette rhétorique a contribué à justifier des politiques qui ont souvent accentué les inégalités existantes.
                2. Crise de confiance démocratique : La négation des conflits légitimes et la présentation des choix politiques comme des évidences techniques ont alimenté une crise de confiance envers les institutions démocratiques.
                3. Polarisation sociale : Loin de créer le consensus recherché, cette approche a souvent exacerbé les divisions sociales et politiques, renforçant le sentiment d’un fossé entre les élites et le reste de la population.
                4. Dépolitisation et désengagement : La complexification du langage politique et la négation des clivages traditionnels ont contribué à une forme de désengagement citoyen, rendant plus difficile la participation au débat démocratique.
                5. Fragmentation du tissu social : Des concepts comme la « société de la vigilance » ont contribué à une méfiance accrue au sein de la société, fragilisant la cohésion sociale.
                6. Crise identitaire : La promotion d’une vision très spécifique de la modernité (start-up nation, souveraineté européenne) a contribué à une forme de crise identitaire, notamment dans les territoires et les secteurs économiques se sentant exclus de cette vision.
                7. Radicalisation des oppositions : En stigmatisant toute opposition comme « populiste », cette rhétorique a paradoxalement contribué à renforcer les mouvements qu’elle prétendait combattre.

                En définitive, la Newlangue macronienne apparaît comme un exemple frappant des limites du volontarisme politique face aux réalités sociales. Elle illustre les dangers d’une approche top-down de la transformation sociale, qui néglige la complexité des dynamiques sociétales et la diversité des expériences vécues.

                Pour dépasser ces échecs, il semble nécessaire de revenir à un langage politique plus ancré dans les réalités sociales, capable de reconnaître la légitimité des conflits et des désaccords, et de proposer un véritable dialogue démocratique. Cela implique de repenser la relation entre le pouvoir politique et les citoyens, en favorisant des formes de participation plus directes et en reconnaissant la diversité des expertises et des expériences au sein de la société.

                En fin de compte, l’expérience de la Newlangue macronienne nous rappelle que la transformation sociale ne peut se faire par la seule force du discours, mais nécessite une compréhension profonde et nuancée des réalités sociologiques et une véritable adhésion démocratique.

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